Le discours médiatique en période de pandémie : entre médiation et aggravation du contexte infodémique
Par Marcy Delsione Ovoundaga, Université Catholique de l’Ouest Bretagne Sud
Résumé
Mots clés : discours médiatique ; pandémie ; médiation ; réseaux sociaux ; infodémie
L’objet de cet article est d’apprécier les modalités de diffusion des discours médiatiques en général et journalistique en particulier sur les plateformes numériques en temps de crise. Et dans une seconde perspective, il est question de cerner comment ces discours nourrissent les conversations dans l’espace numérique, en jouant un rôle dans la formation de l’opinion publique, puis en remplissant la fonction d’infomédiation sociale (Molinier Pascal : 2020).
Abstract
Keys Words: media discourse; pandemic; mediation; social networks; infodemics
The purpose of this article is to assess the methods of dissemination of media discourse in general and journalism in particular on digital platforms in times of crisis. And in a second perspective, it is a question of identifying how these discourses feed conversations in the digital space, by playing a role in the formation of public opinion, then by fulfilling the function of social infomediation (Molinier Pascal: 2020).
Introduction
‘‘Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de masques’’ (Marie-Laeticia Sibille : 20minutes : 2020). Ces mots du professeur Jean- Paul Mira, chef du service de réanimation de l’hôpital Cochin à Paris, tenus durant une interview sur la chaîne généraliste française, LCI, ont non seulement provoqué la colère et de vives critiques mais ils ont également révèlé les différentes valeurs du discours médiatique dans cette période de crise. La pandémie de Covid-19 a mis les institutions médiatiques en général et la fonction journalistique en particulier dans une situation complexe. Face à cette urgence sanitaire, les médias ont été confrontés à plusieurs défis. D’abord, cette obligation de faire preuve de responsabilité́ sociale vis-à-vis d’une situation qui présentait plusieurs inconnus. Ensuite, pour la fonction journalistique, comme l’explique certains spécialistes, bien au-delà̀ du talonnage du gouvernement dans le degré́ de préparation à la pandémie, le défi a été de trouver le juste équilibre : ne pas faire peur, informer la population et combattre la désinformation (Philippe Papineau : 2020). Car cette période s’est caractérisée par un déferlement des citoyens sur les chaînes d’information en continu, les sites d’actualités et les réseaux sociaux dans le but d’obtenir des informations, de statistiques et des témoignages (Pourquery Didier : 2020). Mais cette quête informationnelle a été complexe. L’absence des données stables sur les mesures préventives (généralisation du port du masque ou non) et des mesures coercitives à adopter ont mis en exergue une parole publique et médiatique contradictoire et polémique. Dans cette configuration où le discours journalistique n’arrive pas à répondre aux différentes interrogations citoyennes, il s’est développé́ parallèlement des discours complotistes. C’est notamment ce que Sylvie Briand, directrice du département ‘‘Épidémie et Pandémie’’ de l’Organisation Mondiale de la Santé, nomme ‘‘infodémie’’ (Pourquery Didier : 2020). Ce contexte infodémique a été très vif sur les réseaux sociaux numériques. Sur la toile africaine, une enquête de l’Institut américain Poynter a révèlé que plus de 9000 ‘‘fake-news’’ auraient circulé autour du Coronavirus (Le Figaro : 2020). Cette floraison de fausses nouvelles a été, dans bien des cas, nourri par des discours médiatiques dans leur globalité́ et la parole journalistique en particulier. Comme l’explique, Michel Le Clainche, dans une situation incertaine et mouvante, certaines données provisoires ne doivent pas être présentées comme définitives, c’est ce qu’ont fait souvent les pouvoirs publics comme les organes de presse à propos des vaccins (2021 : 438). La polémique présentée au préambule de notre propos, au sujet des tests d’un vaccin en Afrique, est très caractéristique de cette situation. C’est vraisemblablement ce qui nous motive à traiter la thématique suivante : ‘‘le discours médiatique en période de pandémie : entre médiation et aggravation du contexte infodémique’’
Notre étude s’articule autour des questions suivantes : comment pouvons-nous apprécier les modalités de diffusion des discours médiatiques en général et journalistiques en particulier sur les plateformes numériques en temps de crise ? En période de covid-19, comment ces discours médiatiques ont-ils alimenté les conversations dans ces espaces numériques ? Ont-ils rempli la fonction d’infomédiation sociale (Molinier Pascal : 2020) ? Ou ont-ils tout simplement contribué à renforcer un contexte infodémique déjà marquant ?
L’objet de cet article est d’apprécier les modalités de diffusion des discours médiatiques en général et journalistique en particulier sur les plateformes numériques en temps de crise. Et dans une seconde perspective, il est question de cerner comment ces discours nourrissent les conversations dans l’espace numérique, en jouant un rôle dans la formation de l’opinion publique, puis en remplissant la fonction d’infomédiation sociale (Molinier Pascal : 2020).
Cadre théorique
Traiter des médias sociaux numériques et covid-19 en Afrique, c’est en réalité entrer de plein fouet dans cette problématique de communication et santé d’une part, et réseaux sociaux numériques et problème de santé publique d’autre part. En matière de communication de santé publique, trois approches théoriques ont toujours été à l’œuvre bien que certaines soient souvent sujettes à caution. Il y a d’abord l’approche de la modernisation qui est un modèle linéaire de changement d’attitude et de comportement. Ensuite, il y a l’approche de la dépendance qui vise la conscientisation et l’empowerment (conscientiser des groupes et l’éducation populaire). Et enfin, l’approche du nouveau développement qui se fonde sur la participation citoyenne et le co-développement (Lise Renaud, Carmen Rico de Sotelo : 2007). Au-delà de toutes ces acceptions théoriques, il ressort que la communication comme vecteur de changement de comportement semble rester l’axe théorique dominant dans les campagnes de prévention et santé publique. Celle-ci s’appuie sur deux facteurs. Il s’agit du droit des populations d’avoir des informations et le devoir des gouvernements de mener des actions de communication publique. Celles-ci sont censées développer un discours moral stigmatisant, mettant l’accent sur les comportements déviants, peu citoyens, de certains groupes sociaux pour tenter de modifier les attitudes, voir les comportements préjudiciables à l’intérêt individuel ou général (Dominique Carré : 2010 : 177). C’est vraisemblablement cette forme de communication normative qui se déploie durant des crises sanitaires de grandes envergures. Cela fut le cas avec l’épidémie d’Ébola dans plusieurs États africains. Face à cette urgence, les organisations de santé sont appelées à communiquer pour non seulement assurer leur capacité à endiguer la maladie mais également pour garantir la quiétude du corps social. La pandémie de Covid-19 nous invite à cerner l’ensemble des actions de communication sous cette facette mais en y mettant un accent particulier sur les modes d’appropriation des médias sociaux numériques par les acteurs gouvernementaux. Car avec ces nouveaux médias, il ne s’agit plus d’une communication verticale dans laquelle les acteurs gouvernementaux ont le monopole dans la diffusion des informations, il est, par contre, question d’une communication horizontale dans laquelle les citoyens ont également la possibilité de relayer des informations et de répondre directement aux communications officielles. Ainsi, nous nous inscrivons dans la droite ligne des études qui appréhendent les réseaux sociaux comme des espaces d’expressions démocratiques en Afrique qui viennent s’ajouter à d’autres espaces (Alain Kiyindou : 2018). Ce faisant, notre approche touchera non seulement aux théories de la communication de la santé sous son versant normatif et surtout comme vecteur de changement en s’appuyant sur la question des usages (Serge Proulx : 2015).
Méthode
Pour traiter cette thématique, nous optons pour le croisement des méthodes de collecte de données en sciences humaines et sociales en général et en sciences de l’information et de la communication en particulier. Premièrement, pour l’exploration des réseaux sociaux numériques nous recourrons ici à une approche nethnographique du web (Roberts Kozinets : 2015). Cette approche nous a permis de réaliser une veille communicationnelle sur la page Facebook de Radio France Internationale Afrique de mars à mai 2020. Cette périodisation correspond notamment aux déclarations des premiers cas de Coronavirus dans ces deux pays d’une part, et à la mise en place du processus de vaccination contre la Covid-19 d’autre part. Cette exploration est croisée par une lecture des commentaires et des conversations des internautes. Elle a pour objectif de catégoriser d’une part les acteurs qui s’inscrivent favorablement dans l’infomédiation (en soutenant le discours médiatique) et d’autre part ceux qui s’y opposent en s’inscrivant dans une logique conspirationniste. Le choix du média RFI se justifie par sa dimension panafricaine et le choix de Facebook est lié à sa popularité en terre africaine. Notre exploration a permis de constituer un corpus de 20 publications et 728 commentaires. Ces données ont été analysées et catégorisées en se situant avant et après la polémique du professeur Jean-Paul Mira.
Espace numérique des médias en ligne
Continuum à la campagne de communication publique
La pandémie de Covid-19 a mis les États face à plusieurs problématiques. Celles-ci ont été perceptibles à travers le problème de santé publique, de communication gouvernementale et de gestion de crise. La promptitude de certains pays africains à adopter des mesures coercitives et préventives pour faire face à la pandémie a été accompagnée par une importante mobilisation des ressources humaines, matérielles et informationnelles. Parmi ces ressources informationnelles, les médias sociaux numériques ont été des outils de choix. Dans cette vaste campagne de communication publique, les États africains n’ont pas hésité à lancer des campagnes de sensibilisation sur des médias sociaux numériques pour mieux diffuser ces informations préventives. La propagande sur les médias sociaux a porté sur la mise en place des comités de gestion, la protection individuelle par les masques, le lavage des mains, la distanciation physique, les formes de limitation des déplacements entre les régions, la quarantaine, la fermeture des frontières, l’isolement et la prise en charge des cas suspects dans des unités de soins spécifiques (Hervé Hien : 2020). Des pays comme le Gabon et le Congo Brazzaville se sont parfaitement illustrés dans ce registre. Des pages officielles Facebook ont été dédiées aux campagnes de sensibilisation sur la Covid-19. C’est le cas par exemple de la page Facebook ‘‘Info Covid-19 Gabon’’. Ces espaces numériques se sont constitués en continuum de l’action gouvernementale dans l’espace public physique. Car les stratégies de communication déployées se voulaient globalisantes. Et de plus, les études qui s’intéressent aux pratiques de consommation de l’information médiatique montrent une tendance croissante des modes de consommation prioritaires via les réseaux sociaux numériques (Médiamétrie : 2019 ; Mercier et Pignard-Cheynel : 2018). Ce constat cadre avec la réalité médiatique en terre africaine. En effet, depuis l’avènement du printemps arabe de 2011 en Tunisie, les réseaux sociaux en général et Facebook en particulier se sont imposés comme des espaces publics parallèles dans lesquels il y a une intense publicisation des affaires de la cité (Dominique Wolton : 2006 ; Marcy Ovoundaga : 2019 : 2020). Cette réalité info-communicationnelle a fait des tribunes Facebook des cadres privilégiés de la circulation des informations sur la pandémie et le continuum par excellence de la campagne préventive des gouvernements africains. La Page Facebook de RFI Afrique a joué ce rôle en se positionnant en cadre informationnel et communicationnel. Bien que cette forte mobilisation des réseaux sociaux ait facilité la propagation des thèses complotistes (Ousmanou Nwatchok A Birema : 2020 : 42), elle a accompagné significativement les campagnes de communication publique.
Suivi permanent de l’évolution de l’épidémie et des mesures gouvernementales
Au sujet de la pandémie de Covid-19, la majorité des études mettent en avant l’excellente réactivité des États africains qui ont, aussitôt les premiers cas détectés, mis en place des mesures préventives et coercitives pour limiter la propagation du virus (Ousmane Nwatchok A Birema : 2020 : 42). En effet, alors qu’au 23 mars 2020, l’ensemble du continent ne comptait que 1396 cas pour seulement 40 décès selon les Nations Unies, les pays comme la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, le Gabon et le Congo Brazzaville n’ont pas hésité à prendre des mesures politiques, économiques et sociales. Ce fut, entre autres, le cas de la fermeture des frontières, la fermeture des restaurants et maquis, l’instauration d’un couvre-feu de 21h à 5h. L’Afrique du Sud, le pays africain le plus touché, n’a pas hésité d’instaurer un confinement national de 21 jours. Pour le suivi permanent de l’évolution de l’épidémie et des mesures coercitives qui s’y rapportent, les plateformes des réseaux sociaux ont été adoptées comme principal lieu de communication. Dans un contexte de dégradation de la confiance dans la parole publique (Michel Le Clainche : 2021), les plateformes Facebook ont joué le rôle d’administration de la preuve en diffusant des chiffres clés sur les différentes situations épidémiologiques.
Le contexte sanitaire de Covid-19 a, quelque peu, délégitimé la communication gouvernementale d’une part et l’action publique d’autre part. Cette crise de légitimité est née des messages erronés, des contradictions du début de crise, et surtout sur cette facilité à présenter certaines données provisoires comme définitives par exemple à propos des vaccins (Michel Le Clainche : 2021 : 438).
Dans cette configuration de suspicions généralisées et de théories de complots, les chiffres sont utilisés pour légitimer des actions de la part des gouvernements (Sylvain Racaud et Camille Nouis : 2020). Les pages Facebook ont permis de diffuser de façon assez rapides ces chiffres qui rendent probants la réalité de l’épidémie. C’est le cas la publication ci-dessous qui présente la situation épidémiologique du Gabon.
Tableau N°1 : publication Facebook de Infos Covid-19 Gabon
Cette diffusion en ligne des informations et des chiffres clés sur la pandémie a été également présente sur la page Facebook RFI Afrique. Malgré des fortes garanties de crédibilité, plusieurs réactions d’acteurs sociaux et scientifiques ont contribué à faire naître le doute. Parmi ces discours discordants, il y a ces propos dégradants à l’endroit de l’hydroxychloroquine très courante en Afrique pour ses vertus antipaludique qui a soudain été déclarée ultra-dangereuse (Isabelle Stengers : 2021 : 40). Ces doutes sur l’existence de la pandémie et la véhémence des thèses complotistes ont été encore plus vivaces sur les médias sociaux numériques après la polémique du professeur Mera sur les supposés essais de vaccin en Afrique. Cette polémique a donné lieu à deux formes de discours en ligne. Ceux qui jouent le rôle d’infomédiation en soutenant le discours officiel et ceux qui diffusent des propos complotistes.
Espace d’interaction et d’infomédiation
Forte présence des fake-news, thèses complotistes et faible tendance à l’infomédiation
Une communication de santé publique s’appuie sur la confiance et l’adhésion. Cette confiance se fonde sur le discours-vérité qui repose avant tout sur les fondamentaux scientifiquement avérés (Philippe Lamoureux : 2005). Ce discours-vérité doit être simplement axé sur le problème de santé publique, ses causes et des mesures à adopter. Mais la situation de la pandémie de Covid-19 a été particulière. Au regard de son caractère imprévisible, elle a favorisé l’émergence d’une pluralité de discours tentant d’une part de s’inscrire dans des visées explicatives, et, d’autre part, de donner la ligne de conduite à suivre concernant les mesures préventives. Cela a conduit à des confusions et des contradictions, au sujet, par exemple, de la généralisation du port de masque ou non. Cette absence de stabilité communicationnelle a entraîné une délégitimation de la parole publique. Elle a notamment favorisé l’émergence des discours parallèles qui s’opposent complètement aux discours officiels. La tribune Facebook du média RFI Afrique a été témoin de la diffusion de ces discours complotistes. Nous entendons par complot les explications d’événements historiques où la cause principale est l’action cachée et coordonnée d’un groupe (Olivier Klein ; Kenzo Nero : 2021 : 15). La théorie du complot repose le plus souvent sur une opposition entre les élites (médias, universitaires, politiciens, industriels…) et le reste de la population. Elle brille par sa capacité à nier les faits évidents et par son impossibilité à tenir un débat démocratique sur des bases communes (Olivier Klein ; Kenzo : 2021 : 16).
L’enquête effectuée sur la page RFI Afrique de mars à mai 2020 nous a permis de constituer un corpus de 728 commentaires pour quantifier selon une logique binaire les types d’interaction en ligne. Nous avons donc catégorisé les discours qui s’inscrivent dans une logique d’infomédiation et ceux qui diffusent des fake-news et des théories complotistes. Les résultats de cette étude montrent que les fake-news, les discours conspirationnistes et complotistes sont dominants dans cet espace numérique. Un soupçon généralisé de complot s’affirme dans les différentes interactions. Ces derniers mettent surtout en avant une nette idée de prétexte selon lequel les occidentaux veulent se servir du Covid-19 pour exterminer la population africaine. Cette tendance s’appuie sur plusieurs présupposés ; le premier est la non croyance à l’existence de la Covid-19 ; et le second est nourri par l’absence des informations fiables sur la pandémie et les propos dégradants à l’endroit des pays africains.
Ci-dessous le tableau de catégorisation.
Tableau N°2 : Catégorisation des discours sur RFI Afrique
Comme nous pouvons le percevoir dans le tableau ci-dessus, les discours complotistes et les fake-news occupent près de 92% de l’espace discursif. Il y a certes de l’infomédiation mais cette pratique reste moins observable dans cette tribune numérique : 8% du contenu. Cette tendance générale donne aux réseaux sociaux numériques l’étiquette d’un cadre infodémique, un lieu caractérisé par la circulation des fausses nouvelles. Les actions des acteurs de la société civile se donnent bien l’ambition de soutenir la communication gouvernementale (Hervé Hien : 2020 : 396), mais celle-ci reste minoritaire sur la toile. Certaines attitudes médiatiques et des propos des experts ont œuvré à aggraver ce contexte infodémique.
Abondances des thèses complotistes après la polémique du 1er avril 2020
‘‘Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de masques’’ (Marie-Laeticia Sibille : 20minutes :2020). Ces propos malveillants tenus dans un média français ont eu un écho négatif dans l’espace numérique africain. Ils sont venus compléter un épisode de discours alarmistes qui n’avaient pas pour intention d’instaurer la quiétude dans les corps sociaux. On se souvient par exemple de ces propos de l’Organisation Mondiale de la Santé qui conseillait à l’Afrique de se préparer au pire du fait de systèmes de santé peu efficaces et sous-équipés (Ousmanou Nwatchok A Birema : 2020 : 38). Ces différents dérapages communicationnels ont nourri favorablement la circulation des thèses complotistes sur la toile. Au mieux, ils ont contribué à aggraver la méfiance à l’endroit de la parole publique et favoriser des discours parallèles.
Dans la tribune de RFI Afrique, cette logique a été observable. Elle s’est notamment caractérisée par une abondance des thèses complotistes. Le tableau ci-dessous livre un aperçu du contenu discursif après le 1er avril 2020.
Tableau N°3 : le contenu discursif sur RFI Afrique
1 : Je dis et je répète, le remède le plus indiqué contre le Coronavirus est le tabac africain. Demandez aux malades de commencer par chiquer ou priser le tabac. Ils seront automatiquement guéris 2 : Dieu De l’Afrique va chasser ce virus fabriqué par les satanistes, hors du continent 3 : Rester chez vous et respecter les mesures barrières 4 : Les médias aussi amplifient la peur ! Ils ne disent rien sur le traitement (la chloroquine), ni sur le dépistage massif. …mais vantent le vaccin ! 5 : La cloroquine docteur Raoul Didier a découvert sert à décorer vos pharmacies et vos laboratoires ? N’importe quoi. Continuez de l’humanité. Ou bien vous avez un cota à atteindre avant de guérir les malades ? |
Ce sont ces discours qui ont saturé la toile ‘‘facebookienne’’ africaine. Ils ont navigué entre des remèdes autochtones non considérés, de la frustration contre les médias officiels, de la méfiance contre le vaccin, etc. Ces propos montrent à suffisance que les dérapages info-communicationnels ont affermi les logiques complotistes qui existaient déjà. Dans cette configuration, le discours médiatique, au lieu de soutenir les politiques préventives et coercitives, a été une source d’alimentation des allégations conspirationnistes et complotistes.
Conclusion
Au terme de notre analyse, nous disons que les réseaux sociaux numériques ont été mobilisés comme vecteur de communication pendant la pandémie de Covid-19. S’inscrivant purement dans une logique info-communicationnelle, ces tribunes numériques ont joué un rôle d’infomédiation d’une part et de cadre privilégié de la circulation des fausses nouvelles d’autre part. Dans ce contexte assez fragile, certains dérapages relayés dans ces médias sociaux ont contribué à affermir un contexte infodémique déjà marquant rendant ainsi abondants les contenus discursifs complotistes. C’est notamment cette situation qui a été perceptible sur la tribune Facebook de RFI Afrique.
Ouvrages cités :
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Biographie de l’auteur
Ovoundaga Marcy Delsione est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’Université Catholique de l’Ouest Bretagne Sud campus de Vannes. Il est spécialiste en études des médias et des réseaux sociaux numériques, en communication des organisations et en communication publique politique.