N°3 | Éclectisme méthodologique et interdisciplinarité : Une approche socio-sémiotique du Musée du quai Branly – Jacques Chirac

Lætitia Grosjean, Université de La Réunion

 

Résumé :

L’apparition d’un nouveau musée est un événement culturel, politique et économique qui donne lieu à des productions institutionnelles et médiatiques, où se définissent et se discutent des orientations et des interprétations. Pour retracer et comprendre la circulation des discours, des représentations et des valeurs, les sciences du langage en dialogue avec les sciences de l’information et de la communication sont à même d’apporter la pertinence de leurs appareils conceptuels et méthodologiques. Cet article présente les bases et les articulations théorico-méthodologiques globales et locales de notre recherche doctorale, celles-ci ont permis d’adapter les moyens d’analyse à l’hétérogénéité des corpus (presse quotidienne, titres-affiches d’exposition, expositions temporaires, etc.). Cette démarche éclectique a rendu une étude de la co-construction institutionnelle et médiatique du Musée du quai Branly – Jacques Chirac, entre 1996 et 2013, avec pour focale critique les promesses institutionnelles de “dialogue des cultures” et d’interdisciplinarité.

Abstract :

The creation of a new museum is a cultural, political and economic event that gives rise to institutional and media productions, where orientations and interpretations are defined and discussed. To trace and understand the circulation of discourses, representations and values, language sciences in dialogue with information and communication sciences are able to provide the relevance of their conceptual and methodological systems. This article presents the global and local theoretical and methodological bases and articulations of our doctoral research that have made it possible to adapt the means of analysis to the heterogeneity of the corpuses (daily press, exhibition poster-titles, temporary exhibitions, etc.). This eclectic approach has enabled us to study the institutional and media co-construction of the Quai Branly museum- Jacques Chirac, between 1996 and 2013, with a critical focus on the institutional promises of « dialogue of cultures » and interdisciplinarity.

 

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Introduction

L’objectif de cet article est de présenter une démarche de recherche doctorale (thèse soutenue en 2016) dont la particularité est de s’attacher à penser la relation entre discours d’institution (notamment culturelle), médias et représentations partagées. Pour ce faire, il nous a semblé nécessaire de concevoir un dispositif théorique et méthodologique éclectique permettant, par l’hybridation des disciplines, d’étudier différents contextes de circulation de la matérialité sémio-discursives. La problématique de notre travail était d’articuler cet éclectisme à la fois méthodologique et disciplinaire afin de construire une approche cohérente et porteuse pour la recherche. Nous proposons donc de suivre la manière dont nous avons pensé et organisé notre démarche pour y répondre.

Le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac (dorénavant MQB) inauguré en 2006 s’est donné pour mission de reconnaître les arts et les cultures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques et d’instaurer un nouveau rapport à l’altérité culturelle, débarrassé d’une vision ethnocentrique. Ce site de productions culturelles fait cette promesse à partir de différents éléments communicationnels diffusés dans l’espace public. La littérature autour de l’objet de recherche nous a amené à poser l’hypothèse directrice que ce discours de reconnaissance de l’altérité se fonde sur une dialectique conflictuelle entre les normes et les valeurs de l’anthropologie et de l’histoire de l’art affectant la mission déclarée de “dialogue des cultures” du musée. En effet, la coexistence de champs et d’acteurs sociaux aux points de vue divergents sur la mission de l’institution durant la préfiguration du musée, nous a conduit à suivre la manifestation de leurs rapports et leurs conséquences au sein de l’institution et dans la presse.

Pour rendre compte de la distribution des représentations culturelles dans différents lieux d’un continuum socio-idéologique, nous avons opté pour l’étude de l’écologie du sens et du discours institutionnel avec l’apport de théories et de méthodologies issues des sciences du langage et des sciences de l’information et de la communication. Notre postulat était que les discours et les supports qui circulent entre l’institution et la société reflètent, dans leur matérialité, des rapports de forces ou de coexistences disciplinaires qui participent à la co-construction du sens de cette institution avec l’espace social. Pour nous permettre de penser ensemble cette co-construction entre organisation/institution et espace public, nous avons souscrit à la nécessaire “hybridation des disciplines scientifiques” appelée par “l’imbrication étroite entre processus communicationnel et processus organisationnel” selon Nicole Almeida et Yanita Andonova (2013 : 149). L’enjeu, au travers des diverses analyses que nous avons menées, était de cerner un nouveau discours de “reconnaissance” de l’altérité. Ainsi, à chaque corpus et grâce à l’apport de méthodologies diversifiées et interdisciplinaires, nous avons saisi des éléments saillants et latents permettant de caractériser ce nouveau discours.

Pour suivre la manière dont nous avons organisé notre recherche, nous restituerons tout d’abord une proposition d’articulation théorico-méthodologique globale mixte au fondement de notre cadre épistémologique, puis dans une visée empirique, le recours à des articulations théorico-méthodologiques locales afin d’adapter les moyens d’analyse à l’hétérogénéité des corpus. Nous évoquerons enfin notre position d’analyse, notamment vis-à-vis de la question de la neutralité axiologique.

Une articulation théorico-méthodologique globale et mixte

 

Nous avons reconnu dans les projets de Georges-Élia Sarfati[1] et d’Yves Jeanneret[2] des ambitions complémentaires pour notre étude puisque l’un cherche à saisir “l’institution du sens commun”, et l’autre à suivre “la trivialité des êtres culturels”. Ces deux conceptions ont pour point commun d’envisager la circulation des idées, des savoirs et du sens au carrefour de la vie sociale.

 

Circulation des êtres culturels

 

Jeanneret propose la catégorie descriptive de “trivialité” pour penser la circulation et la transformation des “êtres culturels” ainsi que la notion d’“économie scripturaire” repensée après Michel de Certeau (1990). Le musée, compris comme une plateforme légitime de diffusion de normes et de valeurs, produit une énonciation collective polyphonique dont la trivialité consiste dans la négociation du sens entre plusieurs systèmes de normes et de valeurs.

C’est cette idée de processus de création et de recréation permanent des êtres culturels qu’il nomme trivialité. Ce processus d’échange culturel est envisagé au travers de la circulation dans les espaces sociaux des objets et des représentations. Il définit “la trivialité” comme une “[…] activité sociale productive et structurante” qui contribue à la construction des rapports de savoir et de pouvoir” (Jeanneret 2008 : 57 et 60). Pour Jeanneret, cette notion évite le réductionnisme d’autres notions : “Dans la trivialité, il y a de la transmission, de la traduction, de l’interprétation et de la tradition, mais il y a surtout plus que la simple somme de ces idées” (Ibid 2008 : 14). L’apport de cette notion est de reconnaitre les êtres culturels mais sans les chosifier, de les saisir en train de se faire dans des configurations dynamiques de transformation

[…] qui traduisent l’élaboration historique des ressources et enjeux de la culture pour une société : des postures, des savoirs, des valeurs, qui ne se comprennent pas les uns sans les autres […]. Les êtres culturels sont, pour reprendre le terme heureux de Joëlle Le Marec (2002), des « composites » […] Ces mixtes d’objets […] servent d’opérateurs pour les représentations du monde, mais aussi pour les postures culturelles et les catégories de jugement qu’une culture peut reconnaître. (Jeanneret 2008 : 16)

Pour lui, les notions de trivialité et d’être culturel s’interdéfinissent car c’est dans les actes mêmes de la communication que se trouvent les construits socioculturels. “La culture est donc définie […] comme une activité qui élabore ses ressources grâce à la communication” (Jeanneret 2008 : 17). Il esquisse des perspectives méthodologiques pour envisager l’étude de la trivialité, en faisant le constat que : “La problématisation des processus de mise en trivialité des êtres culturels demande de relâcher la discipline du circonscrit […] ” (Jeanneret 2008 : 234), c’est-à-dire que l’éclectisme méthodologique se justifie du fait de l’hétérogénéité des processus et de la diversité des enjeux. On ne saisit que de façon lacunaire le processus de la trivialité : “La constitution de « corpus » homogènes, circonscrits et exhaustifs […] ne constitue pas la méthode de référence, pour ces analyses de la médiation” (Jeanneret 2008 : 234). Le musée, compris comme une plateforme légitime de diffusion de normes et de valeurs, produit une énonciation collective polyphonique dont la trivialité consiste dans la négociation du sens entre plusieurs systèmes de normes et de valeurs. Cette conception communicationnelle a une valeur heuristique, c’est donc une analyse des discours et des textes liée à la trivialité des êtres culturels que nous avons poursuivie, en prenant pour terrain d’investigation le MQB, au carrefour intermédiatique de ses médiations et de sa médiatisation. Ce programme nous a semblé poursuivre des buts similaires à ceux de Georges-Élia Sarfati qui a proposé dans sa théorie discursive du sens commun une pragmatique topique qui pose que :

[…] tout acte d’énonciation fait fond sur un dispositif de croyances structurées a minima en faisceaux de lieux communs. La relation de dépendance de l’activité énonciative à l’égard d’un ensemble de dispositions perceptives culturellement structurées, gnoséologiques et gnomiques, fonde le principe de l’a priori doxal de la communication (l’auteur, 1996). (Sarfati 2008 [en ligne])

 

Processus de sémiotisation des pratiques sociales

 

Une pragmatique topique permet d’envisager l’institution du sens dans une formation sociale donnée, au travers d’un modèle descriptif et explicatif du processus de sémiotisation des pratiques sociales (Sarfati 2011: 141-142) :

 

[…] une topique sociale peut être définie comme une logosphère, c’est-à-dire comme un système différencié de pôles socio-discursifs […] Dans cette perspective, chaque institution de sens sémiotise un domaine de pratique, c’est-à-dire qu’elle met en œuvre une formation de sens commun qui s’exprime et se particularise à travers les différentes communautés de sens qui lui sont afférentes. (Sarfati 2011 : 142)

 

Ainsi une institution de sens donnée repose sur la répétition de(s) topique(s)[3] qui en permettent la reproduction ou la reprise. Sarfati développe l’idée “[…] d’une topique générale de la communication,comprise comme dynamique d’instanciation linguistique du sens commun” (Sarfati 2008 [en ligne]). Il propose d’appréhender la dynamique socio-langagière par l’économie variationnelle des mises en discours des dispositifs normatifs (perceptif et épistémique) à travers trois ordres : l’ordre du canon correspond à l’instanciation fondatrice des communautés de sens (ex : Hippocrate pour la médecine, les Évangiles pour le christianisme, etc.), l’ordre de la vulgate tient aux mécanismes de transmission des dispositifs normatifs des communautés de sens, et fait écho au discours canonique, enfin l’ordre de la doxa est celui où un savoir ou un usage a été banalisé et dépasse l’institution de sens pour se propager dans la topique sociale (Sarfati 2011 : 146-147). Nous reprenons ci-dessous le schéma analytique qui précise les critères distinctifs des types normatifs (Sarfati 2008 [en ligne]) :

 

Figure 1. Schéma du modèle de l’économie variationnelle de G-E Sarfati

 

schéma 2

 

Pour notre travail, nous nous sommes particulièrement intéressée aux régimes d’hétérogénéité (2011 : 148) qui correspondent pour la topique instituée par le canon à son exposition constitutive puis à sa reprise et reformulation par la vulgate (montrée marquée) enfin à sa naturalisation par la doxa (montrée non-marquée). Le régime sémantique du canon relève d’un groupe (ethnologue, historien de l’art, acteur institutionnel, etc.), la vulgate, quant à elle, réactualise des données par transfert d’éléments canoniques ajustant celles-ci en fonction du discours transmis tandis que la doxa relève de la conversion aboutissant à la circulation d’éléments discursifs transinstitutionnels relevant de l’évidence, de la croyance et de l’opinion. Chacun de ces régimes textuels a une temporalité différente, le canon vise le futur, la vulgate de par sa visée explicative intéresse le présent, et la doxa se situe entre passé-présent et futur puisqu’elle réactualise des éléments plusieurs fois répétés dans le passé (inscrit en mémoire) dans le présent (usage stabilisé) ; ceux-ci n’ont donc plus besoin d’explication (perpétuation du sens). La dominante épistémique du MQB, au sein des trois proposées par Sarfati pour identifier les institutions de sens, – la dominante gnoséologique pour les institutions scientifiques (faire savoir), la dominante gnomique pour les institutions doctrinales (faire croire) et la dominante thymique pour les institutions esthétiques (faire éprouver) – était à établir. En effet, l’une des problématiques centrales de ce musée est de se présenter au moment de son ouverture en 2006 comme étant : “[…] Ni musée d’art, ni musée d’ethnologie ni centre de recherche, le Musée du Quai Branly a pour ambition d’être tout cela à la fois”[4]. Nous avons donc tenté de voir à travers l’économie variationnelle des discours et des productions sémiotiques s’il était toutefois possible de révéler une dominante épistémique.

Il s’agissait donc pour nous, et d’un point de vue méthodologique général, de constituer des corpus différents mais complémentaires, pour décrire l’interdiscursivité entre la “topique instituée” (canon), la “topique transmise” (vulgate) et la “topique naturalisée” (doxa) et approcher ainsi le sens commun que favorisent ces lieux de transmission et de reprise du sens.

La pragmatique topique de Sarfati permet une démarche organisée pour étudier, comme le propose Jeanneret, la trivialité des êtres culturels. Elle propose en effet une approche d’étude du discours institutionnel distinguant ce qui est de l’ordre du discours de l’institution (discours fondateur, promesses institutionnelles et médiations) et ce qui est de l’ordre de la prise ou de la reprise médiatique dans l’espace public d’éléments concernant cette institution. Ce deuxième ordre peut permettre, dans la presse quotidienne et la presse culturelle, des discours critiques, de la discussion ou au contraire une naturalisation du sens fournit par les acteurs institutionnels. Partant des apports théoriques et méthodologiques généraux d’une conception institutionnelle et d’une conception communicationnelle, cet éclectisme disciplinaire nous a semblé pertinent pour étudier tout à la fois et de manière complémentaire les productions de ces deux ordres et leurs relations. À ce principe organisationnel de notre programme de recherche, nous avons ajouté la dimension diachronique. Celle-ci permet de suivre dans la temporalité, les acteurs, les contextes et les formes sémio-discursives qui permettent la circulation et l’inscription progressive de représentations partagées. Ces bases posées, nous avons ensuite constitué des corpus pertinents et complémentaires, adapté les méthodes d’analyse pour chacun d’eux et appliqué sur tous une démarche de lecture-analyse socio-sémiotique de la communication muséale qui s’attache aux représentations de l’altérité.

Des articulations théorico-méthodologiques locales et adaptées

À l’instar de Claire Oger et Caroline Ollivier-Yaniv (2003), nous avons postulé que travailler sur des corpus hétérogènes en appelant des analyses et des outils adaptés pourrait permettre la description et la compréhension partielle des processus et des produits qui favorisent la stabilisation d’un discours institutionnel dans l’espace public. Ainsi, nous avons étudié la circulation et la construction du sens qu’engendre cette plate-forme institutionnelle, d’une part en retraçant l’élaboration progressive du concept muséal à travers l’analyse de l’interaction entre le discours des acteurs institutionnels et les discours sociaux, d’autre part, en travaillant sur le processus de médiation et de médiatisation des productions culturelles du MQB après son ouverture. Nous avons construit nos analyses à partir de théories et de démarches méthodologiques plurielles mais compatibles, en trois phases.

 

Préfiguration médiatique de l’institution (1996-2006)

 

Dans une première étape de la recherche, nous avons étudié la généalogie médiatique du projet de 1996 à 2006, ce qui correspond à la période de préfiguration du musée dans la presse quotidienne. Nous avons articulé la méthodologie de recherche sur un “moment discursif”[5] proposée par Sophie Moirand (2007) pour l’analyse de la presse quotidienne à celle de Jacques Guilhaumou (2006) qui travaille l’événement total, à partir d’un “dispositif événementiel” composé de trois déclinaisons : “événement linguistique”, “événement discursif” et “récit d’événement”. Nous avons isolé pour ce faire un “moment de corpus” (Guilhaumou 2006) autour des désignations successives de l’institution muséale. Le concept de “formule” d’Alice Krieg-Planque (2009) s’attacha au devenir social et discursif du syntagme “arts premiers” lié au parcours de construction du nom propre du musée et suivi comme “événement linguistique”. Nous avons également mené une analyse des mouvements argumentatifs des événements discursifs dans la presse en nous appuyant sur la conception du discours social de Marc Angenot (1988, 1989 et 2006) et l’analyse de l’argumentation de Ruth Amossy (2010).

 

Les “récits d’événement”, dans la presse, au moment inaugural en 2006, représentait la médiation finale dans l’espace public de discours hétérogènes durant la préfiguration du musée. Nous nous sommes également appuyée sur la conception des “récits d’événement médiatiques” de Jocelyne Arquembourg (2013) pour comprendre leur rôle et leur fonctionnement. Nous avons ensuite étudié dans cette première partie les relations et les différences entre le discours de l’institution sur sa mission – transmis dans l’espace médiatique – et les missions discutées dans l’ouvrage spécialisé édité suite à un colloque initié par le MQB : Le dialogue des cultures. Actes des rencontres inaugurales du Musée du Quai Branly (21 juin 2006) sous la direction de Bruno Latour. L’objectif, en étudiant ce dialogue inaugural, était de repérer les types de missions que le musée se proposait alors d’assurer, selon les propos des participants, pour en discerner la concrétisation dans ses activités.

 

Le corpus médiatique avait la particularité de réunir dans le genre médiatique deux niveaux d’organisation et d’instanciation du sens commun proposés par Sarfati. Tout d’abord la “topique sociale” large, puisqu’il s’agissait de la presse quotidienne et donc du mode d’accès public à l’intelligibilité du projet muséal. Ensuite, la “topique configurationnelle”, puisque la spécificité de ce corpus résidait dans son caractère controversé entre deux pôles socio-discursifs institués, les ethnologues ou les chercheurs d’un côté et les “esthéticiens” du milieu de l’art, de l’autre. Nous avions donc accès à la façon dont les normes disponibles dans le social organisaient et transmettaient les normes prescrites des “communautés de sens” qui entretenaient, quant à elles, et à ce moment là, un rapport conflictuel au travers des médias. Sarfati parle de “cursus institutionnel pour identifier l’ensemble de ces relations” (Sarfati 2011: 143). Ce cursus a modifié progressivement le discours des acteurs institutionnels sur l’objet muséal en cour d’institutionnalisation.

L’organisation des événements et leurs publicités (2006-2013)

 

La deuxième étape du parcours de notre recherche portait sur l’étude de l’organisation et de la communication des expositions temporaires du MQB de 2006 à 2013 pour appréhender le musée en exercice. La mise en perspective du contexte discursif de la naissance du musée, établie par la première étape de la recherche, nous permis ici de définir les orientations dominantes prises par le MQB et de les interpréter. Nous avons fait, au travers d’une approche socio-sémiotique, une analyse de la “communication organisante” du musée (Hachour 2011 ; Almeida & Andonova 2013) en focalisant dans un premier temps nos analyses sur l’étude générale de l’identité institutionnelle, spatiale et disciplinaire des expositions. Puis, nous avons proposé une analyse sémantique et sémiotique de l’ensemble des titres et des affiches des expositions temporaires entre 2006 et 2013.

À partir du corpus titres/affiches du MQB, nous nous sommes engagée plus globalement dans la suite de notre recherche dans une démarche de “lecture-analyse[6]” afin de travailler de manière tabulaire sur la “variance” et la “coalescence” textuelle des productions culturelles (Peytard 2001 : 161-173). Nous avons étudié les titres, au travers d’une démarche d’analyse inspirée de la sémantique interprétative de François Rastier (1987) et de la sémiotique différentielle de Jean Peytard (1993 et 2001), pour envisager leur “fonction pragmatique et référentielle” (Poli & Gottesdiener 2008). Puis nous avons proposé une analyse sémiotique des énoncés scriptovisuels que constituent les affiches des expositions temporaires. Pour cette étude, nous avons convoqué tout particulièrement la rhétorique du signe visuel du Groupe µ (1992). Ainsi, nous avons essayé de mettre en relation l’ethos préalable construit par l’événement “englobant” qu’est le musée (étape 1) et son ethos en action dans des affiches d’événements “englobés” (Le Guern 2007 [en ligne]).

 

Expositions et commentaires médiatiques (2011-2013)

 

Enfin une troisième et dernière étape de recherche était consacrée à l’étude de cinq expositions temporaires accompagnées de leur cortège documentaire (catalogue, site internet, communiqué de presse et dossier de presse), mais aussi d’articles de presse culturelle pour suivre la construction médiatique de l’événement. Nous avons travaillé de fait sur la réception médiatique des événements d’exposition en comparant les discours mis à disposition des journalistes (dossier et communiqué de presse en premier lieu, mais aussi catalogue et texte d’exposition) et leur commentaire médiatique. Cette troisième étape s’appuyait sur les éléments dégagés dans les deux précédentes (contexte socio-discursif de la naissance du MQB, rapports disciplinaires, rapports interculturels, titres et affiches des expositions, etc.), qui font partie de l’environnement social et culturel dans lequel se situent les expositions temporaires. Dans nos analyses, nous avons cherché à reconstruire le “discours expographique” (Poli 2002) de chacune de ces expositions (2011 à 2013), en nous basant sur un travail d’archivage photographique des textes et des dispositifs scénographiques. Cette reconstruction des discours expographiques était éclairée par les connaissances apportées dans les deux étapes précédentes de la recherche mais aussi par les interprétations médiatiques des expositions du musée, pour compléter notre propre lecture-analyse. Dans la continuité des études menées par Jean Davallon, nous avons envisagé le musée comme un support symbolique qui véhicule une certaine idée de la culture et, à l’instar de Davallon, l’exposition de manière large comme un dispositif socio-symbolique (1999 : 21) ayant une opérativité sur la manière dont les visiteurs peuvent faire relation avec les arts et les cultures exposés au MQB. Nous avons proposé une démarche d’analyse qui inscrit les expositions dans un ensemble institutionnel et communicationnel intermédiatique. Ainsi, chaque exposition était considérée comme prise dans un tissu de textes à la fois interne et externe au musée. Nous avons modélisé autour de ces expositions une démarche de lecture-analyse de l’“économie scripturaire” :

 

 Tout ordre doit s’écrire pour se réaliser et se propager, donc le texte écrit est le lieu d’échange du pouvoir et de la valeur […] l’économie scripturaire, comme processus, définit le fonctionnement du pouvoir moderne qui vise la maîtrise de l’espace social […]. (Jeanneret 2014 : 371)

 

L’“économie scripturaire” et l’“économie variationnelle” étaient deux concepts complémentaires pour suivre les processus communicationnels entre espace social et espace de l’institution, et apprécier leurs capacités graduelles et diffuses d’instanciation de normes et de valeurs partagées. L’hétérogénéité des corpus, qui reflète une partie de la complexité de l’objet d’étude, a nécessité la mise en place d’un éclectisme méthodologique et disciplinaire organisé, s’appuyant sur une théorie générale hybride de circulation et d’altération du sens, pour ensuite articuler des méthodologies locales adaptées aux parcours et aux contextes des différentes matérialités sémio-discursives disponibles.

 

Position d’analyse : éventail et pivot

 

Le choix d’un éventail de corpus complémentaires

 

Entre l’écueil du réductionnisme et l’impossibilité de l’exhaustivité, le choix méthodologique d’un troisième terme était au cœur de cette étude, en cherchant, en diachronie, à suivre la saillance d’agencements discursifs qui émergent au sein de différents médias, mais aussi à différents moments du processus de construction de l’institution. Notre objectif était d’analyser le discours institutionnel comme une co-construction discursive entre le social et l’institution. Pour nous, les supports et les discours co-construisent de façon processuelle des environnements de sens qui informent le discours institutionnel, ainsi que la gestion cognitive de l’altérité qui en résulte. Le discours du MQB se révèle en effet dans un emboîtement de médias événementiels qui se juxtaposent en circulation sur des supports papier, numériques et spatiaux : presse généraliste et culturelle, ouvrages et discours inauguraux, affiches et titres des expositions, dossiers et communiqués de presse, dispositifs symboliques d’exposition, site du musée et catalogues d’exposition. Cet emboîtement suppose une interaction constante des discours sociaux avec le discours de l’institution.

Nous pouvons tenter de donner une image de notre démarche de recherche en nous inspirant de l’éventail comme objet matériel, fonctionnel et esthétique. Considérons un éventail : replié, l’éventail se présente dans l’épaisseur d’une succession de couches inertes mais, déplié de manière progressive, il perd son épaisseur pour devenir espace-temps et représentation. Ce sont les plis qui assurent cette possibilité transformative, ils s’agencent dans l’interdépendance de plis saillants et de plis latents en creux.

Évidemment, c’est le point de vue de l’artisan (le chercheur) qui détermine préalablement le côté qui sera peint (qui signifie), et les plis (lieux de jonction et d’articulation) qui bordent et mettent en relief ses diverses faces. Ce qui fait l’éventail, son utilité et sa beauté, ce sont ses plis qui assurent continuité et discontinuité pour deux dynamiques, celle de la réduction et celle de l’expansion. Replié, il donne à voir essentiellement les plis saillants qui évoquent déjà la structure et la coloration de l’ensemble ; déplié, il dévoile son agencement et la complexité de ses motifs. Reste que pour que cela soit possible, il faut a minima un pivot central capable de conjoindre cette succession de couches, qui n’est que le continuum plié d’une même matérialité. Tenons que c’est le chercheur qui, ici, fonde ce pivot par une hypothèse, formant ainsi la partie la plus étroite de l’objet et permettant le déploiement successif des plis et des faces afin d’accéder à une représentation générale de son objet d’étude.

Chaque corpus représentait donc une possibilité de recherche commençant par un pli saillant (telle la formule “arts premiers”) que nous soumettions à l’étude en parcourant sa face (son contexte) jusqu’à atteindre le pli latent qui était son corollaire (fond sociocognitif) et ainsi de suite. En multipliant l’articulation de corpus différents mais reliés, nous avons pu atteindre une représentativité générale de l’ensemble des lieux, où s’actualisent et circulent des figures sémio-discursives, comme une sorte de fond sémantique (Rastier 2006). C’est encore ici le chercheur qui décide de circonscrire l’analyse d’un objet potentiellement infini.

L’enjeu, au travers des diverses analyses que nous avons menées, était de cerner un nouveau discours de “reconnaissance” de l’altérité et ses conséquences sur sa représentation. Ainsi, l’éclectisme méthodologique et disciplinaire mis en œuvre a permis de saisir, sur chaque corpus, des éléments saillants et latents qui affleurent permettant de caractériser ce nouveau discours. Cependant, avant de formuler une synthèse de nos différents résultats, il nous faut interroger la subjectivité de notre position d’analyse.

Les promesses institutionnelles comme pivot de recherche

La sociologue Nathalie Heinich, écrit, sur la question de l’engagement des chercheurs que “[…] la « neutralité axiologique » – forme de distanciation méthodique à l’égard des valeurs des acteurs – est à la fois nécessaire à la recherche, et conceptuellement possible” (Heinich 2002 [en ligne]). Elle énonce qu’il faut rester, le plus possible, dans un “jugement de descripteur” et non de “prescripteur” en construisant ses jugements a posteriori, après enquête et non a priori. Nous nous sommes pliée à l’enquête sur corpus (au pluriel), mais pourtant, il y a bien un a priori déterminant la manière dont nous avons analysé et interprété les données ; il s’agissait cependant d’un a priori construit par le musée lui-même, lorsqu’il s’est donné pour mission publique la reconnaissance des arts ET des cultures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. C’est à partir de ce filtre que nos descriptions ont été couplées à une activité interprétative critique “méthodique et loyale” (Sarfati 2011) pour un bilan rétrospectif externe[7] à l’institution, dans une visée plus générale de compréhension citoyenne qui fait place à l’éthique. Nous n’avons donc pas revendiqué une neutralité axiologique dans ce travail, puisqu’il s’agissait de questionner l’éthique et la responsabilité de cette institution par rapport à son discours canonique.

Sans cet a priori, que nous préférons nommer simplement des intentions de recherche, il nous semble que notre “jugement de descripteur” n’aurait pas pu questionner la mission sociale et culturelle de l’institution, ni mettre en lumière les contradictions et les paradoxes qui la traversent. Nous n’avons pas laissé pour autant libre cours à des jugements sans fondements ou de “prescripteur”, nous avons décrit et interrogé de manière critique la mise en œuvre du dialogue des disciplines et du “dialogue des cultures” qu’a proposée ce musée à son ouverture en 2006.

Après enquête, nous avons mis en lumière de nombreuses traces internes et externes au musée nous permettant de reconnaître un processus d’idéologisation (Sarfati 2011 : 157) par le recouvrement et la reprise de résidus doxaux (métalangage de l’art, a-historisme, motifs originels, reprise de la formule controversée “arts premiers”), par l’organisation organisante (traitement différencié entre aires géographiques, collaborations interculturelles et disciplinaires inégales, titres-affiches esthétisants ou/et primitivisants), par les discours et la circulation des textes événementiels (dialogue des objets, valorisation des objets d’art, rhétorique de l’art et de la lecture poétique, promotion du statut d’artiste-ethnographe). Ce processus favorise des usages idéologiques permettant l’inculcation de normes et de valeurs compatibles avec un projet de reconnaissance essentiellement esthétique de l’altérité, en effet

[l]’idéologisation est une opération de greffe sémantique à partir d’un point de vue réducteur autant qu’orienté […] [les idéologies] sont construites sur des bases logiques faibles et des bases axiologiques fortes, elles opèrent comme des discours séducteurs […]. (Sarfati 2011 :159)

Parmi les trois dominantes épistémiques que propose la modélisation de Sarfati pour identifier les institutions de sens, celle qui domine explicitement est ainsi la dominante thymique (faire éprouver) mais de manière implicite elle a aussi une dominante gnomique (faire croire) puisqu’elle travaille à faire croire à un “dialogue des cultures” qui est davantage un dialogue entre ou sur les objets. L’éventail des analyses atteste en effet que la plupart des productions sémio-discursives sur les arts et les cultures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques valorisent autre chose que le dialogue ou la compréhension interculturelle et l’interdisciplinarité : un musée d’art, des arts “primitifs ou premiers”, l’art contemporain, des artistes occidentaux, des marchands d’art, des historiens de l’art, des visions ou des récits sur les Autres ou à prétention universaliste ou encore l’exotisme. Les études des expositions indiquent globalement que rester dans une lecture occidentale (et non interculturelle) favorise des oppositions sclérosées (société moderne vs traditionnelle, pratique vs représentation, nature/inspiration vs culture/technique), ou d’assimiler opportunément les arts et les cultures non-occidentaux pour valoriser en toile de fond les arts et artistes occidentaux (modernes et contemporains).

Conclusion

Nous avons élaboré à partir de cadrage théorique différents, des outils de description qui déconstruisent l’objet d’analyse et le reconstruisent en catégories pour rendre compte partiellement du discours institutionnel du MQB pensé comme le résultat de différents genres et contextes de la communication organisante. Notre terrain d’étude nous a fait approcher les trois types de problématisations partagés par les sciences du langage, de l’homme et de la société, telles que définis par Patrick Charaudeau (in Burger 2008 : 46) : la question de la régulation sociale autour des normes et des identités culturelles ; la question des rapports de force autour des stratégies de domination, d’influence ou de séduction, et la question de la signifiance autour d’une “problématique dialogique de construction des savoirs en termes d’ »imaginaires socio-discursifs »” (Charaudeau in Burger 2008 : 47). Médiation, médiatisation, norme, valeur, discours, institution et altérité : ces notions sont partagées par les sciences du langage, les sciences de l’information et de la communication et les sciences de la société, et concernent toutes la sociabilité comme produit et processus participant à la performance de la culture. Notre thèse montre qu’une démarche socio-sémiotique, adaptant les théories et les méthodologies linguistiques et sémiotiques aux contextes et aux données, peut servir à suivre (au moins partiellement) l’hétérogénéité des processus communicationnels qui construisent le rapport institution-société. Le cumul des fragments sémio-discursifs récoltés permet en effet, par reconstruction interprétative, d’approcher les êtres culturels en train de se faire. Ainsi, l’apport pour la recherche d’une telle approche est – selon nous et sur ce type de recherche – de permettre d’appréhender sur une période donnée l’influence mutuelle des logiques organisationnelles, communicationnelles et culturelles.

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Lætitia Grosjean est docteure en Sciences du langage de l’université de Franche-Comté, associée au laboratoire ELLIADD, et Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche en Information-Communication à l’ICOM de l’université Lumière Lyon 2. Elle s’intéresse actuellement aux médiations artistiques à visée sociale, thérapeutique ou éducative.


[1] Georges-Élia Sarfati se situe dans une conception institutionnelle qui mobilise les sciences du langage.

[2] Yves Jeanneret se situe dans une conception communicationnelle qui mobilise les sciences de l’information et de la communication.

[3] Les topiques sont des “normes anthropologiques”, des “représentations cognitives”, des “schémas d’actions socialisés” et des “marqueurs sémantiques”. Une topique “constitue à la fois une base de raisonnement, et, simultanément, un guide pour l’action” (Sarfati 2008 [en ligne]).

[4] Extrait dans l’article Le Musée du Quai Branly : un “territoire” du XXIe pour les arts premiers (AVANT-PAPIER) 19/06/06, Agence France Presse.

[5] 474 articles complets de la presse quotidienne entrent dans le moment discursif.

[6] La lecture-analyse est définie par Jean Peytard (2001) comme une démarche de sémiotique différentielle qui permet de construire des hypothèses herméneutiques à partir des entailles du sens (continuité ou rupture) rencontrées dans une démarche de lecture tabulaire et non linéaire.

[7] D’après la nature et les visées de l’intervention critique scientifique définie par Sarfati (2011 : 168-169).